À New York, le compte à rebours a commencé. La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni — le fameux E3 — ont officiellement déclenché le mécanisme onusien du « snapback » (1) contre l'Iran, réactivant le régime de sanctions suspendu par l'accord nucléaire de 2015. Cette décision enclenche un processus de 30 jours au terme duquel, sauf blocage, des sanctions spécifiques de l'ONU seront automatiquement rétablies.
Pour l'E3, il s'agit d'une étape jugée nécessaire afin de sauver la diplomatie nucléaire et d'éviter une nouvelle guerre après les douze jours de bombardements israélo-américains contre l'Iran. Les sanctions seront automatiquement rétablies le 27 septembre 2025, à moins que le Conseil n'intervienne pour bloquer la procédure.
Pour Téhéran, il s'agit d'un test des intentions réelles de l'Europe : s'agit-il de créer une pression pour négocier, ou simplement d'une nouvelle escalade déguisée en diplomatie afin de complaire à Washington et de fournir un prétexte supplémentaire pour une seconde guerre ? L'exigence de l'E3 est claire : l'Iran doit reprendre une pleine coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), révéler l'emplacement de ses 408 kilogrammes d'uranium enrichi à 60 % et revenir à la table des négociations avec les États-Unis.
Or, l'E3 n'a jamais respecté sa propre part de l'accord de 2015. Après le retrait de Donald Trump en 2018, les Européens ont eux-mêmes cessé toute coopération avec Téhéran et accepté tacitement la guerre israélo-américaine contre les installations nucléaires iraniennes et l'assassinat de ses scientifiques et de ses citoyens. L'Europe est donc loin d'être en position d'exiger de l'Iran une quelconque conformité. L'écart est immense et, pour Téhéran, reconstruire la relation n'est pas envisageable sous la menace, même si la diplomatie — cet « art de l'impossible » — n'est pas totalement écartée.
L'ironie est flagrante. Lorsque le groupe E3 a été créé en 2003, son objectif était d'empêcher l'administration Bush de lancer une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Deux décennies plus tard, l'Europe est devenue beaucoup plus dépendante économiquement, politiquement et stratégiquement des États-Unis. L'Iran, autrefois considéré comme un partenaire énergétique crucial, est devenu marginalisé par une succession de sanctions.
Le contexte géopolitique s'est de nouveau déplacé avec l'alignement croissant de l'Iran sur la Russie dans le conflit ukrainien. Pour de nombreuses capitales européennes, faire pression sur Téhéran ne relève plus uniquement de la non-prolifération nucléaire, mais vise aussi à punir un allié de Moscou. S'aligner sur les faucons de Washington, même au prix de la diplomatie, est devenu le prix à payer pour maintenir l'unité transatlantique.
La réaction internationale plus large démontre combien les gouvernements redoutent une escalade. L'Allemagne a exhorté ses ressortissants à quitter l'Iran et à éviter tout voyage vers ce pays, un avertissement repris par l'Australie, l'Inde et plusieurs États européens et asiatiques, dont beaucoup facilitent désormais des évacuations via les pays voisins. Ces mesures traduisent une conviction partagée : le snapback ne restera pas un simple exercice procédural, mais pourrait provoquer des représailles israélo-américaines aux conséquences imprévisibles.
Washington, de son côté, a renforcé la défense d'Israël en transférant des batteries de missiles THAAD depuis les Émirats arabes unis vers le territoire israélien. Les missiles balistiques iraniens avaient infligé de lourds dégâts à Israël lors de la deuxième semaine de la guerre, et la prochaine confrontation s'annonce plus meurtrière encore. Téhéran accélère ses préparatifs. Plusieurs signaux indiquent qu'une deuxième guerre n'est pas à exclure — notamment si l'Iran continue de refuser les inspections intrusives de l'AIEA sur tous ses sites, y compris ceux où est stocké l'uranium enrichi à 60 % que les États-Unis et Israël n'ont pas réussi à détruire lors de leur dernière vague de frappes.
Elijah j. Magnier
Article original en anglais : Le Blog d'Elijah j. Magnier
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Note de Mondialisation.ca :
(1) « C'est quoi le snapback ? Pour inciter l'Iran à reprendre les discussions sur le nucléaire, la France envisage d'activer le « snapback », un mécanisme prévu par l'accord de Vienne qui permet de réimposer les sanctions prévues par l'ONU, sans qu'un autre pays puisse mettre son veto. » Source : Le Parisien, 15 juillet 2025.
La source originale de cet article est Blog d'Elijah j. Magnier
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